CITERA

La citera ou cithare hongroise est une cithare qui se présente sous un grand nombre de formes différentes. Plusieurs types de citeras se sont développées au cours des XIXème et XXème siècle. Le folkloriste Bálint Sárosi les classe en trois grands groupes : les cithares droites, souvent d'une seule pièce, dites cithares en auge (hasáb/vályú citerák), les cithares présentant un renflement (hasas citerák) et les cithares à plusieurs petits chevilliers (kisfejes citerák). Toutes ces caractéristiques peuvent être combinées et il en résulte un grand nombre de morphologies différentes possibles. Les citeras à "ventre" (hasas citerák), présentant au moins un renflement sur un côté, se déclinent aussi en félhasas citerák (cithares à "demi-ventre"), kettöshasas citerák (cithares à deux ventres), bubós citerák (cithares à bosse ou bubon), kétfelöl hasas citerák (cithares à renflements sur les deux côtés)  etc. Le ou les chevilliers peuvent être sculptés en tête de poulain (csikófejes citerák - cithares à têtes de poulains). Certains instruments sont monoxyles - taillés dans une seule pièce de bois (vályú citerák - alors que d'autres sont formés d'un assemblage de plusieurs pièces. La belsőfejes citera représente un cas particulier des kisfejes citerák (cithares à petites têtes ou à chevilliers latéraux) : l'un des chevilliers latéraux est à l'intérieur, c'est-à-dire du côté de l'instrumentiste. On trouve aussi les galambdúcos citerák (cithare de type pigeonnier ou colombier, avec des ouïes latérales). Certaines citeras n'ont pas de fond, d'autres en possède un. Une typologie récente très complète des différentes cithares de Hongrie a été réalisée par Borsi Ferenc. On ne peut que renvoyer à ses deux ouvrages essentiels qui décrivent tous ces types en détails, avec de nombreuses photographies et qui sont consultables en ligne ici et ici. Voir aussi d'autres ouvrages, notamment ceux de Balogh Sándor dans la partie"bibliographie" de cette section ici.

cithares droites, d'une seule pièce, en colombier, à petites têtes (chevilliers), avec un ventre, à chevillier intérieur, de type autrichien. 

Les différents types de cithares hongroises, tiré de Sárosi, 1967. Voir ici.

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La cithare se retrouve en Hongrie mais aussi dans les communautés magyarophones de Roumanie, et des pays ayant une frontière commune avec la Hongrie (en particulier la Slovaquie, la Serbie et la Croatie) ou proche (Tchéquie). On ne retrouve sa trace avec certitude qu'à partir du XVIIIème. Il est possible que l'instrument hongrois dérive plus ou moins directement de la kobza tchèque. Il a aussi probablement subi l'influence des cithares alpines d'Autriche. Dans certaines régions, comme à Atid (Étéd en Hongrois) en Roumanie, le terme "timbora"  est plus souvent employé que celui de citera et désigne un instrument de forme et facture rudimentaire qui ressemble fort à celui représenté sur une gravure de 1740 dans un ouvrage de Johann Rudolf Sporck publié à Prague (où l'instrument est appelé "kobza"). Ce terme "timbora" - ou des termes apparentés comme "tambura" ou "tombora" -  semble avoir été assez largement en usage même en Hongrie pour désigner l'instrument jusque dans la première moitié du XXème siècle (à noter que le terme tambura désigne aussi un autre instrument en Hongrie, sorte de luth à long manche).

La timbora / tambura / tombora pourrait être la forme primitive de la citera, ou, en tous cas, en est la forme la plus simple. Cette forme ne diffère pas vraiment du Scheitholt de Praetorius ou des épinettes des Vosges du Val d'Ajol par exemple, si ce n'est par le système de chevilles (qui sont ici le plus souvent en métal et plantées perpendiculairement - type chevilles de piano).

Des cithares "timbora" de la région magyarophone d'Étéd en Roumanie. 1895 et 1888. Repris de l'article de Gagyi László, consultable ici

La cithare tchèque "kobza" - "copsa" - illustration d'un ouvrage de Johann Rudolf Sporck publié à Prague en 1740 .

Une citera / tambura /kobza conservée au Hajdúsági Múzeum de Hajdúböszörmény. Voir ici

Une citera / tambura /kobza conservée au Hajdúsági Múzeum de Hajdúböszörmény. Voir ici

Autre exemple de  citera / tambura /kobza. Voir ici

Cithares de type "kobza" provenant des montagnes de Freiberg en Allemagne (Saxe), zone frontalière de la Tchéquie. Photo Wilfried Ulrich, repris de son ouvrage "Die Hummel", 2011. Conservées au Stadt- und Bergbaumuseum de Freiberg, numéros d'inventaire 77/390, 77/391 et 77/389.

À partir forme primaire, des caractéristiques supplémentaires vont se greffer, renflement ou décrochements de la caisse, deuxième touche frettée pour les demi-tons, chevillers latéraux  etc.

Une citera hasas (à ventre) du début du XIXème siècle, conservée au Hajdúsági Múzeum de Hajdúböszörmény. Voir ici

Une autre citera hasas (à ventre) de 1850, conservée au Hajdúsági Múzeum de Hajdúböszörmény. Voir ici

Une citera / tambura chromatique à deux touches provenant de Magyarszentmihály (Serbie), repris de l'ouvrage de Ferenc Borsi. Voir ici

Une citera chromatique à deux touches de type "pigeonnier" (Galambdúcos citera).

Une autre citera de type "pigeonnier" (Galambdúcos citera) de Tolna, Megye (Hongrie). Photo Sárosi Bálint. Voir ici.

Deux autres exemples de citera "pigeonnier" (Galambdúcos citera). Repris du site de György Mihály, voir ici.

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Trois exemples de citera à chevillers latéraux (kisfejes citera). Repris du site de György Mihály, voir ici. Les deux dernières sont du type "belsőfejes", (tête intérieures), l'un des chevillers latéraux étant du côté intérieur (du côté de l'intrumentiste).

Une forme particulière est la cithare pigeonnier ou colombier (galambdúcos citera) présentant un décrochement dans la caisse et des ouïs latérales rondes disposées en ligne.

Un très rare exemple d'une cithare avec une double caisse de résonance. début du XIXème siècle, conservée au Hajdúsági Múzeum de Hajdúböszörmény. Voir ici

Une citera hasas (à  ventre) de la seconde moitié du XXème siècle (probablement des années 1970 ou 1980) de la fabrique d'instruments de Szeged (Szegedi hangszergyár). Voir des photos de détails de cet instrument  ici

L'origine du frettage chromatique au moyen d'une double touche pourrait avoir pour origine le luth "tambura", instrument rustique - peut-être d'origine serbe? - implanté depuis longtemps en Hongrie. Cet instrument a en général un frettage diatonique en Hongrie, mais il existe des instruments (nombreux) avec un double frettage à partir de la cinquième frette, ce double frettage étant identique au double frettage chromatique des cithares hongroises.

Une tambura diatonique (voir ici).

Une tambura chromatique à double touche partielle, à partir de la cinquième frette (voir ici).

Une "asztali tambura", tambura chromatique de table à double touche totale - la citera n'est pas loin! (voir ici).

Un cimbalom (hackbrett) ou tympanon (en français), du XVIIIème siècle conservé au Germanisches National Museum de Nuremberg, numéro d'inventaire MIR724.

Les cithares hongroises, contrairement aux épinettes du Val d'Ajol, ou au langeleik norvégien par exemple, sont toujours - il n'y a quasiment aucune exception - montées avec des chevilles d'accord droites, le plus souvent en métal. Il faut sans doute y voir l'influence du cimbalom (instrument d'implantation très ancienne en Europe centrale, à l'origine du cymbalum de concert mis au point à la fin du XIXème siècle) et des cithares autrichiennes.

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Une citera de type hasáb / vályú, c'est-à-dire en auge - presque monoxyle (la touche est rapportée sur une zone de la table ajourée - et à petite têtes ou chevillers (kisfejes). Il manque une cheville et les petits sillets au niveau des trois décrochements sont également manquants. Collection personnelle. Plus de photos de détail de cet instrument ici.

Une citera de type hasas et kisfejes. Collection personnelle. Plus de photos de détails de cet instrument ici.

Une citera à cloche conservée au Musée de Instruments de Musique de Bruxelles, numéro d'intaire 1986.006.01. Voir ici le site du MIM.

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La forme qui est devenue presque emblématique de la cithare hongroise est la kisfejes citera, la cithare a plusieurs petites têtes ou chevilliers :  le  côté extérieur de l'instrument présente un, deux, trois ou même quatre décrochements (en escaliers) présentant chacun un chevillier pour des cordes bourdons plus courtes que les chanterelles ou les bourdons principaux.

La citera possède en général plus de cordes que les autres cithares de type épinette décrites dans ce site, mais ici encore, les cordes sont divisées en deux grands groupes, les cordes mélodiques, elles-mêmes souvent divisées en deux sous-groupes - celles tendues au dessus de la touche diatonique et celles tendues sur la touche des tons chromatiques quand cette dernière est présente - et les bourdons ou cordes d'accompagnement. Les deux touches - diatonique et chromatique - sont séparées et disposées en parallèle; on retrouve cet arrangement sur les quelques épinettes chromatiques retrouvées dans les Vosges. Par contre, dans le cas des langspils islandais, les frettes correspondant aux demi-tons sont plus courtes que les autres et incluses dans la touche diatonique plus large, et c'est aussi le cas des épinettes chromatique développées à partir de la fin des années 1970 dans la mouvance du mouvement folk. La citera se joue traditionnellement en formant les notes grâce à un bâtonnet (noteur) que l'instrumentiste déplace sur la touche. Certains musiciens utilisent la technique de jeu au noteur même sur des instruments à deux touches (touche diatonique et touche des demi-tons) : le joueur utilise alors uniquement la touche diatonique, ou libère au besoin un des doigts de la main gauche qui tient le noteur pour former le demi-ton choisi. Mais la technique de jeu aux doigts (incluant le pouce) de la main gauche s'est aussi développée et est utilisée par de nombreux musiciens actuels. Les cordes sont mises en vibration par un plectre tenu dans la main droite.

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Une autre citera de type kisfejes. Collection personnelle. Plus de photos de détails de cet instrument ici.

Une citera de type kisfejes. Collection personnelle. Plus de photos de détails de cet instrument ici.

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Une autre citera de type kisfejes. Collection personnelle. Plus de photos de détails de cet instrument ici.

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Deux autres instruments de type kisfejes. Le luthier est Török Sándor. Plus de photos de détails de la première des deux cithares ici.

La fabrication d'une cithare par le luthier Tibor Domonkos, un film de 35 minutes ici.

Jeu aux doigts ici, ici et ici (avec des bourdons tendus sur un chevalet qui permet d'obtenir un enote bourdon et son octave!), et ici sur deux cithares simultanément par le même joueur.

Takács Józsefné avec sa cithare dont une partie des bourdons est divisée dans la longueur par un chevalet ce qui permet d'obtenir deux notes d'accompagnement. Photo  Zoltán Takács, 2007. Repris de l'article de Brauer-Benke Jószef, 2019).

Illés Pruszkai, 1961, photo Janó Ákos,  Thorma János Múzeum de Kiskunhalas; voir ici.

Jeu au noteur ici et ici (dans ce dernier, on peut voir la même cithare avec les bourdons divisés en deux par un chevalet).

Photo reprise du livre *Citeraiskola" de Balogh Sándor

Photo reprise du site https://www.kalota.hu/index.php/hu/hangszerkeszites/citerak/csikofejes-citera

Voir ce site du fabricant László Kovács pour plein d'autres photos de cette cithare.

Photos reprises du livre de Borsi Ferenc, "A magyar asztali citera típusai", (Gyurcsó István Alapitváni Könyvek 75, Csemadok Művelődési Intézete, Dunaszerdahely, 2018)

https://csemadok.sk/publikaciok/a-magyar-asztali-citera-tipusai/

Instrument construit par Budai Sándor, années 1980. Collection personnelle. Plus de photos de détails de cet instrument ici.

Deux autres instruments construits par Budai Sándor (1918 - 1986, Sándorfalva), années 1980.

Quelques exemples de cithares à têtes de poulain  (csikofejes citerák).

Instrument conservé au Horniman museum, Londres (UK), numéro d'inventaire M28.9.64/2, voir ici.

Instrument conservé au Metropolitan Museum of Art, New York (USA), numéro d'inventaire 20006.411, voir ici.

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Instrument conservé au Déri Múzeum de Debrecen, voir ici.

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Instrument conservé au Déri Múzeum de Debrecen, voir ici.

Instrument conservé à la (fondaqtion) Leskowsky Hangszergyűjtemény Közalapítvány de Kecskemét, voir ici.

La cithare hongroise n'est pas le seul instrument de musique décoré de têtes de cheval sculptées. On peut citer la vièle mongole morin khuur et la vièle gusla (ou gusle) des Balkans qui possèdent un chevilliers en forme de tête de cheval. Il existe au moins un langeleik norvégien ancien dont les chevilles d'accord (en bois) sont en forme de tête de cheval stylisée.

Gusla ou gusle. British Museum, voir ici.

Langeleik, photo Loretta Kelly

Morin Khuur, Musée National de Mongolie

La citera est aujourd'hui souvent jouée en ensembles ("citerazenekar"), et elle se décline alors en différentes tailles : picolócitera, primcitera, tenorcitera, basszuscitera, bőgőcitera. Les ensembles de cithares incluent parfois un joueur de tambour à friction ("köcsögduda", voir photo reprise du site de György Mihály, ici),

Exemple d'un ensemble de cithares Szivárvány (Szivárvány citerazenekar) de Mezőtúr.

https://szivarvanycitera.hu/zenekar-tagjai

On peut l'entendre ici par exemple.

Bőgőcitera ou grande basse; photo reprise du site https://komroczkicit.hu/pages/galeria.php?page=bogo-2020

On peut voir et entendre un ensemble de cithares ici et un autre ici, pris par hasard parmi de nombreux autres!

Ensemble de musique folklorique Sárrét (Sárréti Népi együttes), Püspökladány. Photo Zoltán Szalay.

Brauer-Benke, Jószef : "A citera főbb típusai és elterjedése magyar nyelvterületen", Ethnographia 130, 2019, pages 45-71. ici

Borsi, Ferenc : "A magyar asztali citera", Gyurcsó István Alapítvány Könyvek 47, Csemadok Művelődési Intézete, Dunaszerdahely, 2010, 176 pages. ici

Borsi, Ferenc : "A magyar asztali citera tipusai", Gyurcsó István Alapítvány Könyvek 75,Szlovákiai Magyar Művelődési Intézet, Dunaszerdahely, 2018, 173 pages. ici

Bibliographie pour cette section

Sárosi, Bálint : "Die Volksmusikinstrumente Ungarns", Handbuch der europäischen Volksmusikinstrumente, Serie I, Band 1, VEB - Deutscher Verlag für Musik, Leipzig, 1967, pages 30 à 41, "zithern", voir ici sur ce site.

Photos (de détails) de cithares hongroises

Cliquer sur la photo d'un des instruments ci-dessous pour accéder à un galerie de photographies de détails de l'instrument choisi.

Épinette type cithare hongroise Louis Georgel

luthier au Beillard, Gérardmer (88), longueur totale 91 cm, achetée en 1982

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Csikófejes citera

Cithare à têtes de poulains.

Budai Sándor (1918-1986)

Sándorfalva, Hongrie, vers 1980

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Kisfejes citera

Cithare à petites têtes / chevilliers.

Deux inscriptions sur la table :

HORVATH LAJOS près de la tête, et H J plus près des ouïes.

Hongrie, date inconnnue

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Kisfejes citera

Cithare à petites têtes.

luthier inconnu, longueur totale 76 cm,

années 1980?

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Kisfejes citera

Cithare à petites têtes.

luthier inconnu, date inconnue

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Kisfejes citera

Mihály Bársony

Cithare à petites têtes et ventre.

Collection Jacques Leininger

Tiszaalpár, 1979

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Kisfejes / hasas picólo citera

Cithare piccolo à petites têtes et ventre.

Collection Jacques Leininger

années 1980

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Kisfejes citera

Cithare à petites têtes et ventre.

Collection personnelle

luthier inconnu, date inconnue

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Kisfejes citera

Török Sándor

Cithare à petites têtes.

années 1990?

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Kisfejes citera

Cithare à petites têtes.

Collection personnelle

luthier inconnu, XIXème siècle?

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Hasas citera

Cithare à ventre.

Collection personnelle

l

Szegedi hangszergyár (Fabrique d'instruments de Szeged, Hongrie, années 1970 ou 1980

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