Les instruments dont il est question dans ce site sont à l'origine diatonique, c'est-à.dire qu'ils possèdent un frettage correspond à un échelle diatonique (sans les demi-tons), équivalente aux touches blanches d'un piano.
Toutefois, dans certaines régions ou pays, des instruments chromatiques vont apparaître, vraisemblablement au cours du XIXème siècle. On trouve deux sortes de touches chromatiques: (A) soit les frettes correspondant aux demi-tons sont disposées en ligne, parallèlement au frettage diatonique, formant une touche indépendante, (B) soit elles ont incluses dans la touche diatonique, elles sont alors moins longues, et disposées sur le bord ou au milieux du frettage diatonique: la partie de la touche incluant les frettes des demi-tons forme alors une touche entièrement chromatique.
La disposition (A) se retrouve dans de nombreuses citerák ou cithares hongroises, ainsi que que dans les épinettes des hautes-Vosges. On la retrouve aussi dans certaines épinettes construites à Paris par Pieffort. Et un instrument suédois (hummel) possède aussi une disposition analogue.
Hummel suédois conservé au Musée municipal de Göteborg (Göteborg Stadsmuseum - référence GM;3890 - voir ici)
Épinette fabriquée par P. Pieffort, Paris, fin du XIXème siècle, conservée au musée de la musique à Paris - référence E.1627 - voir ici)
Épinette signée A. Viry, fin du XVIIIème ou début XIXème siècle, collection du musée de la musique à Paris - référence E.2367- voir ici)
Épinettes retrouvées dans la région de Gérardmer - voir sur ce site ici)
Cithares hongroises de ma collection personelles, plus de détails sur ce site ici
La disposition (B) se retrouve sur certains langspils islandais et certaines épinettes belges, notamment des épinettes dites de bateliers de la région d'Andennes.
Mais c'est surtout la disposition (B) aura un grand succès lors du revival de ces instruments et se retrouve dans de nombreuses épinettes issues du mouvement folk à partir de la fin des années 1970 en Europe.
Langspil ancien, propriété de Hilmar Örn Hilmarsson, photo reprise du site https://www.funi-iceland.com
Épinette conservée au Musée des Instruments de Musique de Bruxelles, numéro d'inventaire 1983.006, voir ici
Épinette fabriquée par Rémy Dubois. Collection Henri-Jacques Saint-Pol. D'autres photos de de cet instrument ici
Citera conservée au Musée des Instruments de Musique de Bruxelles, numéro d'inventaire HB0232, voir ici
Langspil conservé au Musikmuseet de Copenhague.
Langspil conservé au Musée national islandais (Pjodminjasafn Islands) à Reykjavik.
Instrument provenant d'Öcsöd en Hongrie, conservé au Néprajzi Múzeum de Budapest, photo reprise du livre de Ferenc Borsi voir ici
Dans la mouvance du mouvement folk des années 1970 en France et en Belgique, quelques fabricants d'épinettes vont ajouter une touche pour les demi-tons manquant à la touche diatonique en s'inspirant des cithares dites hongroises. Quelques instruments seront donc construits avec la disposition (A).
Épinette fabriquée par Rémy Dubois. Collection André Deru. D'autres photos de de cet instrument ici
Épinette fabriquée par Noël Warnier.
Collection peronnelle. D'autres photos de de cet instrument ici
Le frettage adopté par le mouvement folk est particulier : les frettes correspondant à l'échelle diatonique sont rallongées et c'est sur une ligne plus éloignée de l'instrumentiste que des frettes plus courtes, correspondant aux demi-tons manquant sont rajoutées. Cela aboutit à deux lignes de frettage, la première, la plus proche du joueur définissant une échelle diatonique, et la seconde définissant une échelle entièrement chromatique. On ne retrouve jamais ce type de frettage sur des instruments traditionnels anciens : certains langspils islandais ont un frettage similaire mais les positions des deux lignes sont inversées (l'échelle entièrement chromatique et la plus proche de l'instrumentiste).
Le nouveau type de frettage inventé par le folk a une petite histoire racontée par Jean-François Dutertre sur le site Mémoire du Folk en Nord Pas-de-Calais, voir ici : Michel Colleu demanda à Pierre Kerhervé (de la Musiquerie à Paris) "une touche chromatique, à la place de l’habituelle touche diatonique, selon le modèle du citera hongrois (une touche diatonique avec au-dessus une touche avec seulement les demi-tons chromatiques). Mais il se trompa en poursuivant les tons diatoniques dans la touche chromatique. Il obtint ainsi un modèle inédit de frettage dont les joueurs exploitèrent aussitôt les nouvelles possibilités qu’il offrait. Finalement un nouveau modèle d’épinette chromatique à double caisse s’est imposé parmi de nombreux luthiers et joueurs (aussi bien des Vosges que du Nord ou de Belgique, par exemple), reprenant les innovations de Robert Rongier et celle de Pierre Kerhervé".
Détail du frettage chromatique d'un langspil islandais.
Épinette ancienne provenant de la région de Cambrais. Collection JF Mazet, voir ici