ÉPINETTES PIEFFORT PARIS

Nous sommes entre 1890 et 1910, dans un grand hôtel, un casino de station balnéaire ou thermale, dans une grande brasserie parisienne, dans un cercle mondain, ou encore à la terrasse d'un café bourgeois de Paris ou d'une grande ville de province; un grand rouquin à moustache, élégamment vêtu et portant nœud papillon, joue des airs à la mode sur un petit instrument de sa fabrication (il est luthier) - une petite épinette du genre du Val d'Ajol - posée sur une table qu'il a lui-même apportée et montée.

Paul Isidore Pieffort, né à Paris en septembre 1856, a été actif comme luthier et musicien épinettiste depuis au moins 1889 jusqu'à sa mort en septembre 1915. Il a connu un certain succès à partir de 1890 avec en 1894 des articles à son sujet dans le fameux journal La Nature, des journaux anglais et même américains et, en 1900, une médaille de bronze obtenue pour son modèle d'épinette présentée à l'exposition universelle de Paris. Vers 1901, il fait don de trois de ses instruments au musée de la musique de la Philharmonie de Paris. Pieffort se présente comme le rénovateur de l'épinette du Val d'Ajol, lui ayant ajouté une sixième corde - pour les demi-tons -, l'ayant pourvue de mécaniques de mandoline - au lieu du système de chevilles en bois des épinettes du Val d'Ajol - et utilisant des bois précieux et exotiques pour sa fabrication.  Il se voulait aussi pédagogue et a publié une méthode en 1894, et se produisait parfois en duo lyre - épinette avec sa femme (Harriet, une anglaise de Douvres) qu'il présentait comme son élève.

On en apprendra ici un peu plus sur ce personnage pour le moins original qui a joué un rôle indéniable dans la diffusion de l'épinette dans la société bourgeoise au tournant des XIXème et XXème siècles.

Paul Isidore Pieffort en action.

Dessin de Jean-François Mazet, 2024 - Crayons de couleur sur papier, 42 x 30 cm.

Les épinettes Paul Pieffort

Paul Pieffort (1856 - 1915) a été actif comme luthier (fabricant d'épinettes) et musicien épinettiste de 1889 jusqu'à sa mort en 1915. Il s'est toujours présenté comme le rénovateur de l'épinette des Vosges et il a toute sa vie essayé de promouvoir la pratique de cet instrument. Ses épinettes  ressemblent beaucoup à leurs modèles du Val d'Ajol mais sont de plus belle facture, faites dans des bois plus précieux et exotiques, possèdent (presque toujours) six cordes, ont une tête pourvue de mécaniques (au lieu des chevilles de violon en bois des "modèles" vosgiens de l'époque) et l'indication (par marquage ou même parfois par frettage) des demi-tons sur une ligne parallèle à la touche diatonique, au milieu de la table d'harmonie.

Une belle épinette de Pieffort, vue sur le site d'un antiquaire britanique.

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Ce qui frappe d'emblée , c'est le profil du chevillier fait d'une seule pièce et qui déborde sous l'instrument pour former un pied assez haut qui soulève le haut de l'instrument lorsqu'il posé sur une table en position de jeu.

Le profil particulier de la tête d'une épinette Pieffort formant un pied surélevant l'instrument lorsqu'il posé sur la table en position de jeu. Instrument E.1626, musée de la musique / philharmonie de Paris.

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Une épinette Pieffort conservée au Musée des Instruments de musique de Bruxelles, voir ici.

Épinette du Musée des Instruments de Musique de Bruxelles

Trois des quatre épinettes sont signées Pieffort et ont été déposées au musée par Pieffort lui-même (longueur totale respectivement de haut en bas 593 mm, 765 mm, 690 mm; numéros d'inventaire de haut en bas : E.1626, E.1627, E.1628 (voir le site du musée ici).

La mention du don des trois instruments par Paul Piefffort lui-même au musée du conservatoire national figure dans le troisième supplément au catalogue  de 1903 (le deuxième supplément ayant  été publié en 1899, le don se situe donc forcément entre ces deux dates, probablement en 1901).

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Épinettes conservées au Musée de la musique à Paris

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Photographies de détails des trois épinettes du musée de la musique / philharmonie de Paris Numéros d'inventaire de gauche à droite : E.1626, E.1627, E.1628

Ces trois épinettes sont estampillées, et la plus large, qui est aussi probablement la plus ancienne, possède une étiquette collée au fond de la caisse, visible par la plus grande des ouïes, figurant une muse jouant de l'épinette (tenue comme une harpe, de façon complètement improbable et injouable puisque positionnée de telle sorte que sa touche se trouve sur le côté). un angelot, et un buste figurant un personnage ressemblant à un dieu mythologique; l'étiquette porte aussi les mentions : L'Épinette, P. PIEFFORT, PROF.R, FABR.T, 181 RUE ORDENER. PARIS.

La quatrième épinette ne porte aucune signature de fabricant mais elle est quasiment identique à celle portant le numéro d'inventaire E.1626 et qui, elle, est signée. Cette instrument est en dépôt au Musée de la Musique mais fait partie des collections du Musée des Arts Décoratifs de Paris. Longueur totale 59 cm; Numéro d'inventaire D.AD.48902.

Photographies de détails de l'épinette, numéro d'inventaire : D.AD.48902

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Figure extraite de la méthode publiée par Pieffort en 1894.

Pieffort n'indique pas comment il faut procéder pour obtenir les demi-tons en jouant avec un bâton de roseau (noteur - seule méthode de jeu qu'il indique - il ne joue jamais "aux doigts"). Cela semble d'ailleurs encore plus difficile à obtenir sur l'instrument qu'il décrit dans sa méthode qui  ne possède pas la deuxième rangée de frettes.

L'épinette Pieffort possède six cordes réparties en trois groupes de deux : deux chanterelles / deux premiers bourdons servant à donner les demi-tons si nécessaire / et deux autres bourdons.

Sur certains de ces instruments, la position des demi-tons est indiquée (par simple repères marqués ou incrustés) sur une ligne parallèle à la touche diatonique, au milieu de la table de l'instrument. L'emplacement des demi-tons est parfois matérialisé par des frettes et on a alors affaire à des instruments entièrement chromatiques possédant deux touches frettées parallèles, à la manière de certaines cithares hongroises à partir du XXème siècle. Comment PIeffort a-t-il eu cette idée? Aurait-il vu l'épinette chromatique signée A. Viry présente dans la collection du Baron Léry, et qui est aujourd'hui conservée au musée de la musique? Mystère...

Pieffort n'a jamais caché qu'il s´était inspiré de l'instrument vosgien en vogue au Val d'Ajol. à parttir de 1894, il se présente comme le rénovateur de l'épinette des Vosges. Quelques instruments conservés semblent correspondre aux résultats de ces premiers essais dans cette voie (photos ci-dessous. Ces instruments ne correspondent pas aux épinettes Pieffort habituelles fabriquées à partir des années 1890 puisqu'elles ne possèdent que quatre cordes (au lieu de six) et sont de très petite taille (moins de 440 mm en tout). Il possible aussi que ces instruments aient été réalisés pour des enfants. Il peut aussi s'agir d'instruments simplifiés et vite fabriqués destinés à être offerts (ou plutôt vendus) en loterie à  la fin des représentations ? Mystère... Le premier instrument se trouve dans la collection de Thierry Legros en Belgique. Le second est exposé au MIM (Musical Instruments Museum) de Phoenix en Arizona aux États-Unis, et le troisième fait partie de la colection du Scenkonstmuseet de Stockholm, et le quatrième, qui lui possède un système de clefs de mandoline, fait partie de la collection de Jean-Jacques Révillion.

Extrait de la méthode publiée par Pieffort en 1894.

Collection Jean-Jacques Révillion; repris du blog de Christian Declerck ici

Épinette de la collection de Jean-Jacques Révillion

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Instrument conservé au Scenkonstmuseet de Stockholm. Référencé comme "Épinette des Vosges" sous le numéro d'inventaire M1004. Longueur torale 43,5 cm.

Épinette du Scenkonstmuseet (Stockholm, Suède)

Épinette signée P. Pieffort, très semblable à celle de la collection de Thierry Legros, conservée au Musical Instruments Museum (MIM) de Phoenix (Arizona, USA). Les indications de provenance ("des Vosges" et "Val d'Ajol") sont bien entendu erronées, puisque Pieffort avait son atelier a Paris.

Épinette du MIM de Phoenix (Arizona, USA)

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Collection et photos Thierry Legros, Belgique

Épinette de la collection Thierry Legros

Au niveau du talon, l'estampille de Pieffort ("P. PIEFFORT" et "PARIS" inclus dans un cartouche ovale) a été (pour une raison mystérieuse...) limée ou poncée, mais on peut néanmoins toujours bien en voir la trace.

*L'Épinette en 1793"; étrange légende à ce dessin de P. Dumont, justement daté 93, pour illustrer la méthode. Et si c'est une coquille et qu'il faut lire 1893, c'est tout aussi absurde, puisqu'on voit surtout la table et la dame et très peu l'épinette, qui n'est de toute façon sûrement pas très différente de l'épinette en 1894, date de la méthode.

La méthode d'épinette publiée par Paul Pieffort. Consultable sur ce site ici, et sur le site Gallica de la BNF ici

En 1894, Pieffort publie sa méthode d'épinette.

est indiqué en deuxième page de la méthode d'épinette qu'elle sera prochainement traduite en anglais. Je n'ai pas retrouvé d'édition en anglais de la méthode mais cette annonce n'a rien de surprenant de la part d'un homme dont la femme est anglaise et qui a lui-même vécu en Angleterre quelques années; Pieffort parle sans doute au moins un peu l'anglais et cela explique le fait qu'il ait inséré plusieurs publicités dans le New York Herald, édition européenne - Paris et qu'il ait fait l'objet d'un article dans ce même journal. Cela explique sans doute aussi qu'il ait eu les honneurs du Cassell's Family Magazine et de l'hebdomadaire américain Musical Courier en 1913 : il est d'ailleurs curieux que dans ce dernier article, il soit rapporté que Pieffort est "Scotchman by birth" (écossais par naissance) alors qu'il est né à Paris de parents eux-aussi nés à Paris. Par contre, il est probable que les Pieffort devaient avoir un lien quelconque avec la Grande-Bretagne puisque les deux frères y séjournent au moins à la fin des années 1880 et s'y marient respectivement en 1884 et 1886. De plus, la femme de Paul est bien Britannique, née Harriet Penn à Douvres (Dover). De plus, la mère de Paul Pieffort était une couturière réputée qui a eu un certain succès en France mais aussi en Angleterre comme le montre plusieurs publicités et articles publiés dans les années 1860 dans des revues britanniques.

La Nature, numéro 1226 - 28 novembre 1896, rubrique "Boîtes aux lettres", page 74

La Nature, numéro 1076 - 13 janvier 1894, pages 109-110 - collection JF Mazet.

Cet article de La Nature a été traduit en anglais et repris intégralement dans le Scientific American Supplement, Volume 37, numéro du du 24 mars 1894, page 15199. Voir ici cette version anglaise.

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Au début de l'année 1894, Paul Isidore Pieffort fait l'objet d'un grand article illustré dans le prestigieux journal technique et scientifique "La Nature". Outre le premier portait connu de Pieffort - en élégant joueur d'épinette -, l'instrument est représenté de façon précise. Pieffort est présenté comme ayant rénové et perfectionné un instrument rustique des Vosges : l'épinette. Il s'agit de l'épinette du Val d'Ajol, Dorothée (de la Feuillée bien connue des curistes de Plombières) y est explicitement nommée, même si elle est qualifiée de sorcière. Les modifications ou améliorations apportées par Pieffort à l'instrument vosgien sont les suivantes :

  • ajout d'une sixième corde (permettant au besoin de former les demi-tons);

  • remplacement du système de chevilles en bois de la tête par des mécaniques de mandoline (les épinettes du Val d'Ajol de l'époque sont toujours munies de chevilles bois de type chevilles de violon - c'est seulement plusieurs années plus tard que le gendre d'Amé Lambert, Albert Balandier, utilisera les mécaniques de mandolines - on peut raisonnablement penser qu'il s'est inspiré de Pieffort qui les a utilisé dès ses tout premiers modèles).

  • choix précis d'essence de bois, bois de rose, ébène, amarante, palissandre, faux-acajou, noyer, cerisier (les essences utilisées au Val d'Ajol à la même époque pour fabriquer les épinettes sont surtout les fruitiers et le hêtre),

  • design particulier du cordier qui permet de protéger la main droite du joueur des clous d'accrochage des cordes.

  • la forme particulière du bloc de tête qui forme un pied assez haut sous l'instrument au niveau du chevillier (cette modification pourtant très visible n'est pas mentionnée dans l'article).

Cassell's Family Magazine, (juin) 1894, rubrique "The Gatherer", page 479.

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Traduction :

"Une nouvelle épinette

L'"épinette Pieffort" est une forme améliorée de la petite épinette jouée par les bergers des montagnes vosgiennes. Cette dernière est constituée d'une longue boîte en cerisier avec une tête rappelant celle du violon, et de cinq cordes. Monsieur Pieffort a ajouté une corde supplémentaire, et amélioré le son de l'instrument en le faisant en bois de rose, ébène et d'autres bois. Pour jouer, l'épinette est posée sur une table et les cordes on fait sonner les cordes avec un morceau de roseau, tandis qu'on contrôle leur longueur avec l'index de la main gauche, comme on le voit sur notre gravure. L'apprentissage de l'instrument est facile, même pour une personne ne connaissant pas la musique, et il permet l'interprétation d'airs populaires aussi bien que de morceaux de genre classique.

Musical News, Londres, volume 7, 7 juillet 1894, page 11

La syntaxe de la dernière phrase dans l'original en anglais n'est pas correcte mais on peut deviner ce que le journaliste voulait dire.

Traduction :

"Monsieur PIeffort a inventé une nouvelle épinette qui pourrait avoir du succès auprès des amateurs. Développée à partir du petit instrument utilisé par les bergers des Vosges, elle possède six cordes jouées au plectre. Cette "´Épinette Pieffort" sera peut-être l'objet d'un développement ultérieur pour produire cet instrument idéal que serait un petit pianoforte sous la forme d'une épinette".

Toujours en 1894, l'épinette de Pieffort a les honneurs d'au moins deux magazines britanniques. À noter la belle illustration du "Cassell's Family Magazine" qui montre une joueuse d'épinette dont la position est complétement différente de celle de PIeffort sur la gravure de "La Nature". Il s'agit sans doute d'une illustration fantaisiste qui a un intérêt plus artistique que documentaire. Il est peu probable que le personnage de cette illustration soit Harriet Pieffort, l'épouse anglaise de Paul Pieffort; elle était "l'élève" de son mari et devait par conséquent avoir le même type de maintien que lui lors du jeu de l'épinette.

En 1900, Pieffort est présent à l'Exposition Universelle sur le Champs de Mars à Paris. Il obtiendra une médaille de bronze pour son modèle d'épinette. Voir les extraits concernant Pieffort ci-dessous, et le catalogue complet ici.

Extrait du "Rapport du jury international : Exposition universelle international de 1900 à Paris", publié en 1902, page 544. Voir ici.

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Qui est Paul Pieffort ?

Éléments de biographie

Paul Pieffort en 1894

ATTENTION! On va ici s'éloigner parfois de notre sujet - l'épinette - pour s'intéresser à la biographie de Pieffort.

Il me semble important d'essayer de cerner la personnalité de Paul Isidore Pieffort par une meilleure connaissance de sa biographie et du contexte de sa vie tout au long de sa carrière de luthier-épinettiste.

(la plupart des articles de presse présentés dans cette section proviennent des sites de la Bibliothèque Nationale de France - Gallica et Retronews - et du site Internet Archives)

Détail d'une carte de visite de Pieffort, 1912

Curieusement, chacun des deux frères se marie en Angleterre :

  • D'abord Albert Émile Chrysostome, en 1884 avec Marie De Schutttenbach (née en 1859),  les deux étant artistes peintres.  Après la naissance d'un enfant (René Albert Paul) en septembre 1887 et son décès à l'âge de 9 mois (le 7 mai 1888), Marie décède très vite, le 17 septembre 1888 à Paris, et son mari, Albert Émile Chrysostome, la suit trois ans après, le 5 février 1891; son acte de décès indique "sans domicile fixe".

  • Puis, le 15 décembre 1886, c'est Paul Isidore  qui se marie à Harriet Penn (née en 1851, issue d'une famille nombreuse, ) à Douvres (Dover). Contrairement au premier couple, on ne sait rien des activités professionnelles respectives de Paul et d'Harriet au moment du mariage. Le couple s'installe en banlieue de Londres où on retrouve leur trace en février 1887 dans un journal qui liste les personnes endettées sous le coup d'un jugement d'obligation de payer la dette. À noter qu'Harriett y est listée comme musicienne, épouse de Pieffort, voir ici. Vers 1900, le couple se sépare (mais sans divorcer, Harriet s'appelle toujours Pieffort) et Harriet retourne seule à Douvres où elle devient pensionnaire d'une maison de pauvres et d'indigents ("workhouse" - le recensement décennal de 1901 qui la trouve dans cette "workhouse" indique une profession : couturière de chemises- shirt needlewoman). Elle y mourra le 22 avril 1902.

On ne sait pas grand chose sur la vie de Paul Isidore jusqu'à son mariage en Angleterre en 1886.  J'ai tout de même trouvé mention d'un certain Paul "Piffort", dans le registre du recensement général de la population de 1881 : ce Paul Piffort est alors à Londres, dans un foyer de jeunes garçons travailleurs (Field Lane Male Refuge and Working Boys Home), de nationalité française, âgé de 24 ans, et exerçant la profession de voyageur commerce en feuille d'alumininium ("commercial traveller (tin foil)). Serait-ce notre Paul Isidore? C'est fort probable, je n'ai trouvé nulle part mention d'un "Paul Piffort" dans les bases généalogiques, son âge et sa nationalité correspondent, sa présence au Royaume-Uni en 1881 n'est pas surprenante (son frère s'y marie en 1884 et lui-même en 1886); son nom aura été mal orthographié par l'agent britannique de recensement.

On sait aussi qu'il a été réformé probablement du fait que son frère ainé était sous les drapeaux lors de l'appel de la classe de Paul Isidore en 1876 (c'était une des raisons d'exemption). On le bien trouve mentionné dans le registre de 1876 du 1er bureau de  Paris d'appel à la conscription, mais aucun numéro de matricule ne lui a été attribué (voir ici). 

On ne sait toujours pas comment l'épinette est arrivée dans la vie de Paul Isidore. On trouve son nom associé à l'instrument dès son retour en France après son mariage : à la page 206 de l'Agenda de la Curiosité, - des Artistes et des Amateurs - d'Auguste Dalligny publié en 1889 à Paris, il y est répertorié comme réparateur d'épinettes, domicilié rue du Mont-Cenis, 143. Voir ici

À part quelques informations que Christian Declerck a glanées et réunies sur son blog (ici), on ne trouve rien sur la vie de ce personnage. Je me suis donc attelé à la tâche et une recherche dans les archives, les différents journaux de l'époque m'a permis d'arriver à la biographie suivante plus complète, qui permet de mieux connaître Pieffort et son contexte familial. On verra que la famille et la vie de Paul Isidore Pieffort pourrait faire un bon roman !

Louis Joseph Chrysostome Pieffort (né le 9 décembre 1825 et décédé le 14 août 1894) et Albertine Céline Pieffort (née Bertolini le 1er décembre 1829 et décédée le 14 février 1892) se marient le 21 avril 1853 à Paris. Le couple aura trois enfants (garçons) nés à Paris : le premier, Albert Chrysostome, qui nait le 20 janvier 1854, décède à l'âge de trois mois; Le deuxième, Albert-Émile Chrysostome nait le 10 janvier 1855;  Paul Isidore Pieffort nait à Paris le 2 septembre 1856.

Son père est un employé de l'administration et finit sa carrière professionnelle comme sous-chef de bureau à la préfecture de la Seine. Sa mère Albertine Céline  travaille dès le début de son mariage comme couturière indépendante, créant ses propres modèles de robes, corsets, corselets et autres jupons et manteaux. Elle crée un type particulier de corsets et corselets pour lesquels elle obtient un brevet en 1862 (le brevet est au nom de son mari (!) identifié comme "fabricant de corsets, à Paris, rue de Vendôme, n° 18"). L'activité d'Albertine-Céline aura un certain succès si l'on en croit les articles et les encarts publicitaires dans les journaux de l'époque, avec un pic entre 1860  et 1870, au cours de laquelle toute une série de belles lithographies en couleur sont publiées dans des livres ou magazines sur la mode. À partir de la fin des années 1870, elle se tourne vers la peinture sur carton et devient l'élève du peintre décorateur Charles Donzel. Elle se spécialise dans la peinture sur éventails à partir de 1882 et jusqu'en 1887 au moins. Elle meurt en 1892 (à Orly-sur-Morin, où le couple en retraite s'était installé). Louis Joseph Chrysostome se retrouve veuf et quitte rapidement Orly (après avoirf fait don de sa bibliothè2ue et de quatre tableaux peints par sa femme, des vues d'Orly, à la mairie du village pour revenir à Paris, comme pensionnaire de la Maison de Sainte Périne (aujourd'hui l'hôpital de gériatrie Sainte Périne) au 11 rue du Point du Jour (aujourd'hui rue Chardon-Lagache). Il se remarie un an après,  le 8 mars 1893 avec une autre pensionnaire, Marie-Reine Rossignol, une veuve de 63 ans, mais se suicide un an et demi plus tard en se tranchant la gorge avec un rasoir dans sa baignoire, toujours à la Maison de Sainte Périne, le 15 août 1894 (fait divers repris par tous les journaux de l'époque).

Les toilettes de Mme Pieffort. Mode parisienne, années 1860.

Le suicide impressionnant du père, Louis Joseph Chrysostôme. Rapporté par L'Intransigeant du 26 août 1894.

En 1890, il apparaît parmi d'autres artistes lyriques et musiciens comme "joueur d'épinette" dans au moins deux des soirées culturelles (le 9 mai et le 6 juin) qu'organise tous les vendredis  l'"Étincelle Littéraire", boulevard Montmartre.

La Presse, numéro du vendredi 6 juin 1890.

Comment Paul Pieffort a-t-il connu cet instrument? Dans l'article que le quotidien Gil Blas lui consacrera en 1912, il est dit que Paul Isidore était une sorte de chanteur des cours, grattant de la guitare, et qu'il aurait rencontré un certain Muller, venant d'Alsace avec son épinette. Ils se seraient associés et l'aventure aurait commencé. C'est peut-être vrai, mais rien ne vient le corroborer, et il ne s'agit peut-être que d'une affabulation (soit du journaliste, soit de Pieffort lui-même). Ce qui est sûr, c'est que Dorothée, son épinette et sa Feuillée étaient connues des Parisiens à cette époque (voir sur ce site ici). Elle meure en 1878 alors que Paul Isidore a déjà 22 ans. Il peut très bien en avoir entendu parler, ne serait-ce que par ses parents qui, de classe sociale bourgeoise moyenne cultivée, auraient même très bien pu faire le voyage de Plombières comme tant d'autres parisiens, et peut-être même auraient-ils pu rapporter une épinette en souvenir! On ne peut malheureusement qu'imaginer à partir d'indices.

La Justice, numéro du jeudi 8 mai 1890.

Du côté de sa mère, Paul Isidore a un oncle, Philippe François Édouard Bertolini (le grand frère d'Albertine Céline, né le 12 novembre 1827 et décédé le 19 janvier 1893), qui est artiste peintre. Il a aussi une tante, Adèle Éléonore Rousseau (née Bertolini, la sœur de sa mère), dont le mari jardinier-fleuriste Louis Rousseau est décédé jeune à 29 ans en 1952, et un cousin (le fils des deux derniers), Léon Nicolas Rousseau, né le 4 avril 1852, employé de commune,  (qui décédera célibataire le 10 août 1893).

Une autre question - pour l'instant sans réponse - est celle de savoir comment et où Paul Pieffort a pu apprendre les techniques de travail du bois et de lutherie ainsi que la musique.

Mme Pieffort est connue jusqu'à Londres, comme en témoigne cet article du 3 mars 1866 paru dans "The illustrated London news".

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L'Événement du vendredi 9 mai 1890.

Le départ de Louis Joseph Chrysostome d'Orly.L'Éclaireur de l'arrondissement de Coulommiers du 13 avril 1892.

L'activité de Paul Pieffort est multiple : il est luthier - il construit et vend des instruments (au moins des épinettes) - et musicien épinettiste qui se produit à Paris dans des cercles culturels (par exemple ã l'Étincelle Littéraire du boulevard Montmartre), dans des soirées-concerts organisées par des diverses cercles et associations sportives ou de charité (par exemple l'Étincelle Littéraire, l'Union Athlétique du 1er arrondissement, Les Soupes Populaires, le Five O'Clock du quotidien Le Journal etc.) et dans son atelier du 10, rue Calmel. Mais Pieffort donne aussi des "auditions" partout en France : à Biarritz, à Angoulème, à Brest, à Metz, à Nancy, à Mulhouse, à Dunkerque, à Montluçon, à Marseille, etc., le plus souvent dans des casinos ou de grands hôtels de stations balnéaires ou thermales ainsi que dans des brasseries et cafés.

Il semble qu'il ait une activité assez intense autour de l'épinette (fabrication et représentations régulières à Paris et dans toutes la France) depuis son mariage en 1888 jusqu'à son décès en 1915, avec une période faste débute paradoxalement vers 1892 (année du décès de sa mère) et prend un certain élan en 1894 (année du suicide de son père) qui durera de façon jusqu'en  1902, année du décès de sa femme Harriet. Sa carrière connaitra alors alors un lent mais sûr déclin.

En janvier 1894, le célèbre journal scientifique "La Nature" lui consacre un article pleine page (voir ici, traduit et intégralement repris et publié aux États-Unis par le "Scientific American Supplément", 24 mars 1894, numéro 951, page 15199, "The Pieffort spinett"). Il publie sa méthode la même année (voir ici) et prévoit une traduction en anglais.. En juin et juillet 1894, on trouve des articles le concernant dans la presse londonienne (dans le "Cassell's Family Journal" ici et le "Musical News" ici). En août 1894, Il donne de nombreuses concerts (ou "auditions") à l'épinette recensés et encensés dans les journaux de l'époque.

En 1895, il se fait imprimer de grandes et belles affiches professionnelles dessinées par l'artiste P. Dumont qui n'ont rien à envier aux affiches de grande vedettes de l'époque comme Yvette Guilbert par exemple. Voir ici.

En avril 1895, il est candidat sociétaire du Touring Club de France (voir ici, il est alors localisé à l'hôtel du Chalet à Royat, une ville thermale du Puy de Dome - y-était-il pour donner des auditions ? On peut le penser).

Toujours en 1895, une affaire judiciaire qui l'oppose à un commissaire de police, au sujet d'une aquarelle libertine supposément attribuée à Fragonard, l'occupe de mi-juin à mi-juilet. Voir ici.

Il se produit en duo avec sa femme au moins à partir de 1896. Voir ici.

On retrouve - dans le journal "Le Dauphiné" la trace de la présence du couple Pieffort dans deux villes thermales : en mai 1898 à Allevard-les-Bains et en mai 1899 à Uriage-les-Bains, sans savoir si ils y étaient présents en tant que simples  curistes ou en tant qu'artistes pour y donner des "auditions".

Il expose à l'Exposition Universelle de 1900 à Paris où il est l'un des quatre-vingt huit médaillés de bronze de la Classe 17 ("instruments de musique") du Groupe III ("Instruments et procédés généraux des lettres, des sciences et des arts") pour son épinette. Voir ici sur ce site et voir ici sur Gallica.

Après le décès de sa femme en avril 1902, il continue son activité de musicien et donne des spectacles notamment dans le Nord-Ouest de la France dans les derniers mois de l'année 1902, et on l'y retrouve en 1906, à Dunkerque, où il participe à un office religieux au cours duquel il interprète un "salut" de sa composition. "À la bonne sœur Agnès, du dispensaire de Reuilly... Pour le marins dunkerquois. Le Salut", imprimé à Dunkerque par Chiroutre-Gaurry. Voir la notice du document à la BNF  ici.

En 1904, il s'associe avec un cordonnier fabricant de chaussures pour former une société dont il apporte la majorité du capital financier. La société fera faillite deux mois plus tard. Voir ici.

En mars 1908, Pieffort a l'intention d'exposer en tant que luthier à l'Exposition Franco-Britannique à Londres et fait une demande d'exonération de ses frais d'exposition au Conseil Municipal de Paris en 1908 (demande consignée à la page 533 du volume du recueil des Procès-Verbaux du 1er semestre de l'année 1908 - renvoyée à l'administration). Cette demande a du être refusée par l'administration et Pieffort n'a sans doute pas participé à cet événement puisqu'il ne figure pas dans le Catalogue Spécial Officiel la section française, M. Vermot éditeur, Paris qu'on peut consulter ici.

Au début de l'année 1912, il vit, dans un état proche de la misère, dans l'une des minuscules chambres d'un hôtel pour célibataires. Suite à une altercation avec un voleur à la tire, Il est arrêté le 24 janvier 2012 et jugé dans la foulée au motif de "rebellion" : il s'est opposé aux forces de l'ordre qui voulaient l'amener au poste. Il est condamné à 24 heures d'emprisonnnement. Il fait appel le 7 février. Voir ici.

En février 1912, le quotidien Gil Blas lui consacre un article en février (dans cet article, l'incident judiciaire ci-dessus est mentionné mais avec un chef d'accusion différent :  port d'arme illégal et non rebellion; Pieffort a peut-être déformé la réalité pour se faire apparaître comme victime d'une injustice : la résistance aux forces de police est un délit plus sérieux que le fait d'avoir un couteau sur soi, cadeau et souvenir de son père décédé). Pieffort, touché par l'article du journaliste, écrit au journal une lettre de remerciements qui est publiée en février, lettre dans laquelle il se décrit comme étant  "très pauvre"). En décembre, le même journal publie un petit article le décrivant jouant de l'épinette dans la rue. Voir ici

Enfin, en 1913,  un journaliste correspondant à Paris de l'hebdomadaire américain "Musical Courier" lui rend visite et écrit un ultime article sur lui et son épinette. Voir ici.

Tuberculeux, il entre le 29 août  1915 à l'hôpital Lariboisière (salle commune Bazin) dans le 10e arrondissement de Paris (tout près de son domicile au 67 rue Labat dans le 9ème). Paul Isidore Pieffort meurt de tuberculose moins d'un mois après son admission, le soir du 21 septembre 1915. Sur la déclaration de décès de l'hôpital, Il est identifié comme "musicien" et "célibataire". Le 24 septembre à 8h30 du matin, un convoi funéraire (gratuit - pour les indigents) organisé par la ville de Paris transposte son corps au cimetière de Pantin où il est inhumé le jour même. Voir ici.

Au cours de sa vie, Pieffort aura eu de nombreuses adresses différentes à Paris, la plupart dans le 18ème arrondissement autour de la butte Montmartre. Voir ici.

Grâce à la description qu'en fait Pierre Mac Orlan, qui rapporte sa vie à Montmartre aux environs de 1900, on sait qu'il était roux et grand, qu'il aimait à raconter des histoires graveleuses, et qu'il fréquentait assidument les prostituées ainsi que le cabaret du Lapin Agile , tout en jouant de l'épinette dans les lieux les plus inattendus comme par exemple les bordels de Paris. Voir ici.

L'article de Gil Blas de février 1912 le décrit comme un "grand vieux bonhomme comme fabriqué à coups de trique tant par la nature que par les fatalités, tout en bosses et tout en replis chaotiquement enchevêtrés, plis du visage, et plis et bosses du vêtement vétuste et du long corp osseux".

Voici les deux seules images de Paul Pieffort que j'ai pu trouver. Les deux datent de 1894, l'une du mois de février (La Nature), l'autre du mois de novembre (New York Herald, European edition, Paris).

À quoi ressemblait Pieffort?

En juin-juillet 1895, Paul Isidore est occupé avec une affaire pour le moins cocasse autour d'une aquarelle  héritée de son oncle François Bertolini (nom mal orthographié dans les articles) décédé en 1893. Pieffort prétend que l'aquarelle - au sujet osé! -  est l'oeuvre et Fragonard et réclame 40000 francs de dommages (environ 100000 euros actuels!! convertis en pouvoir d'achat) au commissaire Leygonie qui avait saisie l'oeuvre (pour des raisons morales) et qui lui a rendue abîmée. L'oeuvre s'intitule "L'éducation d'une paysanne". Pieffort n'obtientra pas gain de cause et aucun dédommagement ne lui sera versé. Ce procès a du lui coûter cher, puisqu'il a en plus du payer son avocat Me Ricaud.

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L'affaire relatée par la presse :

L'Intransigeant, numéro du 19 juin 1895, qui résume le début de l'affaire, puis deux articles dans le même numéro du Journal des Débats Politiques et Littéraires du 3 juillet 1895 qui en donnent l'issue.

Affaire juridique autour d'un tableau obscène prétendument de Fragonard

En mai 1904, Pieffort s'associe à un cordonnier (Joseph Party) pour fonder une société de vente de chaussures. Pieffort apporte la plus grande partie du  capital (2000 francs, soit près de 8500 euros actuels convertis en en pouvoir d'achat). La société fait faillite deux mois et demi plus tard en août. Le cordonnier Party se serait-il volatilisé avec la caisse ? Quoiqu'il en soit, cette affaire n'a pu qu'agraver la situation financière - probablement déjà peu brillante - de Pieffort.

La Loi, numéro du 29 mai 1904

Le Petit Parisien, numéro du 14 août 1904

Création d'une société de vente de chaussures

Condamnation pour rebellion!

Recueil des minutes du Tribunal Correctionnel de la Seine. Volume D1U6 1133, janvier 1915. Archives de Paris.

Transcription

Dét. Pieffort Paul Isidore, 56 ans, luthier, se disant né le 2 7bre 1856 à Paris 3ème de Louis et de Céline-Albertine Bertolini, célibataire, demeurant n° 4 rue Rondelet à Paris (Cl. 1876 - réformé). Mandat de dépôt du 21 janvier 1912.

Rébellion

Le Tribunal, après en avoir délibéré, conformément à la loi, attendu qu'il résulte de l'Instruction et des débats que le vingt et un janvier mil neuf cent douze, à Paris, Pieffort a seul et sans armes, résisté aux gardiens de la paix agent dépositaire de la force publique dans l'exercice de ses fonctions, délit prévu et puni par les articles 209, 212 du code pénal, faisant application des articles précités et dont lecture a été donnée par le Président et qui sont ainsi conçus (212) "Si la rebellion n'a été commise que par une ou deux personnes sans arme, elle sera punie de six jours à six mois et si elle a eu lieu avec armes d'un emprisonnement de six mois à deux ans", condamne Pieffort à vingt quatre heures d'emprisonnement et aux dépens liquides à la somme de vingt cinq centimes plus deux francs pour droits de poste, fixe au minimum la durée de la contrainte par corps s'il y a lieu de l'exercer pour le recouvrement des dépens.

1889 : 143, rue de Mont-Cenis

1891 : 97, rue des Martyrs

1894- au moins jusqu'en  1896 : 10, rue Calmels

[Entre 1897 et 1999 : 14bis rue Norvins (?)]

1900 - 1901 : 39, rue de Mont-Cenis

Vers 1901 : 181, rue Ordener

1904 : 16 rue de l'Abreuvoir

1912 : Hôtel des Célibataires, 4 rue Rondelet

1915 : 67, rue Labat

L'adresse du couple Pieffort au Royaume-Uni

Les adresses de Pieffort à Paris

The Commercial Gazette, London, 30 mars 1887.

1887 : 42, Liverpool-street, King's-cross, Middelsex (London)

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On trouve dans un livre de Mac Orlan ("Rue de Saint-Vincent", 1928) dans lequel il décrit la vie à Montmartre au tout début du XXème siècle une portrait inattendu de Pieffort (que Mac Orlan orthographie Piéfort, mais nul doute qu'il s'agit bien de notre Paul Pieffort, luthier et joueur d'épinette). Loin du Pieffort qui se produit dans les cercles mondains, les casinos et les grands cafés, on découvre un Pieffort faisant partie de la faune de Montmartre fréquentant le Lapin Agile à l'époque d'Adèle Decerf (qui le revendra en 1903 pour aller s'installer dans une baraque en bois au 14bis rue Norvins, où, nous dit Mac Orlan, Pieffort aurait vécu un temps). Il semble qu'à cet époque, Pieffort était plus assidu à la fréquentation des prostituées ("´filles en carte") qu'à la fabrication de ses épinettes.

Pieffort et Montmartre

Registre des entrées et registre des décès de l'hôpital Lariboisière, 2 rue Ambroise Paré dans le 9ème arrondissement de Paris, année 1915. Archives de l'AP-HP, Paris.

Registre des convois de transport de corps gratuitsà la charge de la ville de Paris, septembre 1915. Le 24 septembre à 8h30,, la dépouille de PIeffort est transportée de l'hôpital Lariboisière au cimetière parisien de Pantin. Archives de Paris, Voir ici.

Extrait du Registre annuel des inhumations du cimetière parisien de Pantin, septembre 1915. . Archives de Paris, Voir ici.

Extrait du Registre journalier des inhumations du cimetière parisien de Pantin, septembre 1915. Archives de Paris, Voir ici.

La maladie et la mort de Pieffort

Paul Pieffort, le musicien

Dessin de Jean-François Mazet, 2024 - Crayons de couleur sur papier, 42 x 30 cm.

Illustration d'un article publié dans The New York Herald, European Edition - Paris, du 4 octobre 1894.

En 1995, il fait éditer une belle affiche d'annonce pour ses prestations. L'affiche est grande (100 x 130 cm) et a été dessinée spécialement pour lui par l'artiste P. Dumont (le même qui a illustré sa méthode de 1994), très proche des affiches de cette époque du célèbre illustrateur Jules Chéret et est imprimée par la maison Camis à Paris qui produit les affiches pour les plus grands théâtres.

Grande affiche peinte par P. Dumont en 1995 pour annoncer les représentations de Paul Pieffort le jour même. 100 x 130 cm. Affiches Camis.

Pieffort jouera ce soir!

La presse en parle!

La Presse, numéro du vendredi 6 juin 1890.

La Justice, numéro du jeudi 8 mai 1890.

L'Événement du vendredi 9 mai 1890.

Bel encart publicitaire publié dans The New York Herald, European Edition - Paris, Christmas number, du 23 décembre 1894. Source https://gallica.bnf.fr/

Encart publicitaire publié dans The New York Herald, European Edition - Paris, du 25 novembre 1894. Source https://gallica.bnf.fr/

Encart publicitaire publié dans The New York Herald, European Edition - Paris, du 18 novembre 1894. Source https://gallica.bnf.fr/

Article publié dans The New York Herald, European Edition - Paris, du 4 octobre 1894. Source Gallica, ici.

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Publié dans le quotidien La Charente du lundi 19 mars 1894.

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Publié dans la Dépêche de Brest, jeudi 10 octobre 1895.

Voici le texte de l'article traduit en français :

"Nous avons eu quelques jours de temps un peu froid, ce qui a eu pour effet de nous éloigner momentanément des vérandas, au grand désespoir des nombreux musiciens qui vivent de leur jeu pendant les repas que nous prenons en plein air. La quantité et la variété de la musique qu'on peut entendre ici est incroyable. Il y a plusieurs trios qui jouent des instruments à cordes, l'un par exemple est composé d'un garçon en culotte courte et de deux hommes ; un autre est un trio d'Espagnols, deux femmes qui chantent et un homme. Mais a plus grande curiosité peut-être, celui qui nous a donné le plus de divertissement entre tous, c'est le joueur d'épinette. Il n'est apparu qu'une seule fois, sur la terrasse de l'Hôtel du Casino, alors que nous étions au déjeuner. D'apparence très distinguée, d'allure pimpante, avec un gilet blanc immaculé et un tailleur du dernier cri. Il avait apporté une table avec lui, ou plutôt quatre pieds qu'il vissa au plateau, et il plaça sur ce plateau un petit instrument long et très étroit, duquel il pu produire des sons mélodieux, en en jouant on le fait d'une mandoline, et en en tirant à peu près le même genre de son. Après le premier air, le joueur d'épinette se leva et commença un discours. Il raconta que l'épinette était l'instrument des paysans vosgiens, qu'il était d'après lui le plus petit et le plus sonore des instruments, et qu'il était facile à jouer : chacun, quelle soit la qualité de son oreille musicale, pouvait en jouer. Puis il se rassit et joua encore quelques morceaux. Après cela, il prit à nouveau la parole et proposa d'offrir l'instrument par le biais d'une tombola. Deux francs le billet ! Tout le monde ici étant avide de divertissement, une onde d'amusement parcourut les tables bondées. Il vendit tous les billets qu'il pouvait, et le duc Georges de Leuchtenberg ainsi que le duc d'Oldenbourg, qui ne veulent jamais être en reste lorsqu'il s'agit de se divertir, en achetèrent. Quand il n'y eut plus d'acheteurs intéressés, il raviva l'intérêt en vendant des lots de dix billets pour le prix d'un. Puis il pria une dame de tirer au sort un numéro, ce qu'elle fit., et l'instrument fut gagné Monsieur Spoopendyke, qui avait acheté l'un des lots les moins chers. On ne voit pas ce qu'il pourra bien en faire, mais le fait est qu'on n'a plus revu ce joueur d'épinette, qui s'appelait Pieffort. On dit que ce fut là son ultime effort pour se payer le voyage de retour à Paris." (Traduction de JF Mazet).

Voici un article très intéressant du New York Herald, édition européenne, Paris, publié le 4 octobre 1894. Il s'agit du compte-rendu d'un séjour de gens plutôt fortunés dans un Grand Hôtel de Biarritz. L'article nous décrit en détails la façon dont se déroule une "audition" de Paul Pieffort. On y apprend qu'il apporte avec lui sa propre table démontée, qu'il assemble avant le spectacle, et la façon dont il "offre" son épinette à l'auditoire, en organisant une tombola, ce qui lui permet sans doute de ramasser bien plus d'argent que le prix de l'instrument.

Publié dans le quotidien Le Petit Montluçonnais, jeudi 5 juillet 1894.

L'Indépendant de la Charente-Inférieure, 30 janvier 1896.

Le Petit Marseillais, 24 février 1896.

Pieffort se produit aussi en duo avec sa femme Harriet !

Publié dans le quotidien Le Messin, vendredi 6 septembre 1901.

Publié dans le quotidien l'Est Républicain, samedi 31 août 1901.

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Publié dans Paris-Vélo, dimanche 13 décembre 1896.

Publié dans Paris-Vélo, mercredi 13 janvier 1897.

Publié dans l'Intransigeant lundi 16 novembre 1903.

Publié dans Le Journal jeudi 28 mai 1903.

Publié dans l'Abeille de Fontaineblau hebdomadaire (journal d'arrondissement) paraissant le jeudi soir, numéro 36 du 3 septembre 1909.

On remarque de la part de plusieurs journalistes une confusion entre l'épinette dont joue Pieffort et l'épinette "petit clavecin". Pourtant Paul Pieffort fait régulièrement des pauses "causeries" lors de ses concerts pour expliquer l'origine vosgienne et rustique de l'instrument qu'il a (selon lui) perfectionné !

Publiés dans l'Express le mardi 24 septembre 1901 et dans le quotidien Neue Mülhauser Zeitung les jeudi 26 et vendredi 27 septembre 1901.

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Diverses annonces publiées dans Le Nord Maritime lors du passage à Dunkerque de Paul Pieffort entre le 28 novembre et le 16 décembre 1902 (annonces compilées par Christian Declerck, voir ici)

28 novembre 1902

Un instrument merveilleux, l'épinette de M. P. Pieffort.

Nous avons reçu hier la visite d'un artiste parisien, M. P. Pieffort, qui nous a fait bénéficier d'un charmant concert intime avec son instrument l'épinette perfectionnée.
On sait que l'épinette des Vosges est un instrument dont on joue en pinçant les cordes avec une plume. Il était fort en vogue au XVIIIe siècle et Jean Jacques Rousseau en raffolait.
Les cordes de l'épinette Pieffort sont en acier, comme celle du piano. Certaines dispositions particulières ont permis à M. Pieffort de tirer de cet instrument son maximum d'intensité. Il le pince avec une lamelle d'écaille.
Plusieurs journaux scientifiques se sont occupés de l'épinette Pieffort. La "Nature" dit qu'elle permet de jouer sur une étendue de 2 octaves et demie à partir du sol grave du violon avec une sonorité spéciale provenant de la nature de l'instrument et des effets qu'il produit ; elle se prête à l'exécution de tous les morceaux ne dépassant pas cette étendue.
M. Crépaux ajoute que l'instrument se prête à toutes les nuances et est fort agréable à entendre. L'épinette est, de plus, facile à jouer ; en quelques heures une personne ignorant la musique exécute certains airs populaires, des danses notamment ; c'est en somme une invention intéressante.
M. Pieffort nous a joué avec un brio exquis et un sentiment rare "Sentier Fleuri", valse de WLADTEUFFEL, le "Babillage" de GILLET, l'entracte de "Cavalleria Rusticana" de MASCAGNI, l'"Ave Maria" de GOUNOD, les "Stances" de FLEGIER, "Loin du bal" de GILLET et une marche anglaise.
C'était tout simplement délicieux et les personnes présentes ont chaudement félicité l'artiste.
Nous croyons savoir que M. Pieffort se fera entendre jeudi soir à la Brasserie Viennoise, rue de la Marine. Il est sûr d'y obtenir le plus vif succès et pour beaucoup ce sera un véritable émerveillement.
Nous souhaitons que le sympathique inventeur et artiste se produise dans les principaux établissements de notre ville.
Pour nous, nous n'en saurons jamais dire assez de bien.

29 novembre 1902

Un régal musical, l'épinette Pieffort.

Pour compléter notre article d'hier, nous sommes heureux de faire savoir que c'est irrévocablement demain soir samedi, que M. Pieffort donnera à la "Brasserie Viennoise" rue de la Marine, des auditions de son merveilleux instrument, l'épinette perfectionnée.
Tous les amateurs de belle musique vont applaudir le talent du remarquable artiste.
M. Pieffort jouera des œuvres modernes et anciennes. Ces derniers morceaux aussi archaïques que le délicieux et mélancolique instrument, ranimeront les imaginatifs à 2 siècles en arrière.
N'oublions pas que l'immortel Jean Jacques Rousseau faisait de l'épinette son instrument favori.

30 novembre 1902

Un régal Musical, l'épinette Pieffort.

Nous rappelons aux amateurs de belle musique, de musique ancienne ou moderne sur un de ces vieux instruments dont raffolaient nos pères, que M. Pieffort, le rénovateur de l'épinette des Vosges, leur offrira ce soir à 8 h 1/2, un délicieux concert à la "Brasserie Viennoise" rue de la Marine.
L'artiste et l'instrument sont merveilleux et cela, nous pouvons dire hautement, grâce à l'audition intime que M. Pieffort a donnée, il y a trois jours, aux bureaux du Nord Maritime.

1 décembre 1902

L'épinette Pieffort.

Ainsi que nous l'avions prédit, M. Pieffort a obtenu le vif succès avec ses auditions d'épinette, hier soir, à la "Brasserie Viennoise".
Les applaudissement n'ont guère fait défaut au sympathique et habile artiste. M. Pieffort se fera entendre demain lundi à 8 h à la "Taverne Franco-Russe", près la Tour.

2 décembre 1902

Nouvelles religieuses, l'épinette Pieffort.

Ainsi que nous l'avions prédit, M. Pieffort a obtenu un grand succès hier à l'église St-Eloi à la messe de 11 h et au salut de 5 h.
Pendant ce dernier office, M. Pieffort a joué sur son épinette un remarquable "Salut" de sa composition.
C'était un "Salut invocation" à Dieu le Tout Puissant, Roi des Rois, Maître de la terre et du monde demandant sa protection pour les petits, les faibles, les malheureux et se terminant par une bénédiction des humains au Créateur. Cette exécution a été merveilleusement soutenue par les orgues que tenait M. BOLLAERT. Ajoutons que M. Pieffort a dédié à Mme BOLLAERT fils sa remarquable improvisation.

3 décembre 1902

L'épinette Pieffort.

M. Pieffort, le virtuose de l'épinette a obtenu un vif succès, hier soir, au café "Franco-Russe" près la Tour.
Le maître a absolument émerveillé son auditoire qui ne lui a pas ménagé les applaudissements. Les mélodies les plus ravissantes, les airs anciens, les morceaux d'opéra, tout a été rendu avec un brio que M.M. les Présidents de la plupart des Cercles de Dunkerque vont demander à M. Pieffort de vouloir bien donner des auditions intimes.
Nous osons espérer que M. Pieffort, qui se proposait de rentrer à Paris, nous restera encore quelques jours.

10 décembre 1902

L'épinette Pieffort.

M. Pieffort, le virtuose de l'épinette, a donné, hier soir, à 9 h, une magnifique audition au "Cercle d'Escrime".
C'est avec un art incomparable qu'il a joué sur ce merveilleux instrument la "Sérénade" de Severo TORELLI, "Simple Aveu" de Francis THOME, les "Stances" de FLEGIER, "Babillages" d'Ernest GILLET, une "Pavane Louis XIII" et de nombreux autres morceaux.
M. BOLLAERT fils a prêté son concours à cette charmante petite fête en tenant le piano avec sa maîtrise habituelle.
Ajoutons que M. Pieffort a fait une très intéressante causerie sur l'épinette, sur l'historique de cet instrument et ses recherches pour y apporter des perfectionnements récompensés à l'Exposition de 1900.
Comme nous l'avons dit, M. Pieffort a été invité à se faire entendre dans les principaux cercles de notre ville.

16 décembre 1902 

L'épinette Pieffort.

M. Pieffort, le virtuose de l'épinette, a quitté Dunkerque ce matin pour se faire entendre à Lille et à Rouen.
Hier, dimanche, M. Pieffort a donné une remarquable audition au collège des Dunes et, dans la soirée, il s'est fait applaudir dans l'un des principaux cercles de la ville.
Espérons que le sympathique artiste nous reviendra pour la saison prochaine. Le talent avec lequel il a fait vibrer son curieux et archaïque instrument ne sera pas oublié de si tôt à Dunkerque.

Annonce publiée dans Le Nord Maritime du 16 décembre 1906.

L'épinettiste luthier P. Pieffort, au café Franco-Russe.

Nous avons annoncé l'arrivée à Dunkerque de ce sympathique et original artiste. Nous avons dit que M. Pieffort était le rénovateur de l'épinette des Vosges, le mélancolique instrument à cordes que Jean Jacques Rousseau trouvait si expressif et si séduisant.
M. Pieffort donnera ce soir, au café Franco-Russe, à 8 h 1/2, une audition qui sera un véritable régal artistique.
M. Pieffort fabrique lui-même ces délicats instruments qu'il touche d'une façon merveilleuse et divine.
Il y joue et interprète tout ce qui vient de son âme d'artiste, il ne procure pas seulement l'enchantement mais l'émerveillement.
Demain dimanche, on entendra M. P. Pieffort à midi 1/2 au café du Soleil, place Jean-Bart.

Le répertoire de Paul Pieffort est assez varié. Voici ci-dessous la liste de morceaux joués par Paul Pieffort et cités dans les divers articles de journaux ou dans a méthode de 1994 ainsi que les articles qui lui sont consacrés dans La Nature en 1894 et dans Gil Blas en 1912.

Le temps des Cerises [cette chanson de 1867 n'est pas de Roger (?) comme bizarrement indiqué dans la "méthode", mais de Jean-Baptiste Clément, musique d'Antoine Renard]

Connais-tu l'Amour [cette chanson de 1868 n'est pas de Roger (?) comme bizarrement indiqué dans la "méthode", mais de Jean-Baptiste Clément, musique d'Antoine Renard]

Les Stances (Ange Flégier, 1893)

Ave Maria (Charles Gounod, 1853)

Sérénade (Charles Gounod, 1857)

Martha (La Rose) (Friedrich von Flotow, entre 1844-1847)

Les Épouseurs du Berry (Anonyme)

Le Barbier de Séville (Cavatine) (Gioachino Rossini, 1816)

My Queen (Valse) (Anonyme)

Le Trouvère (Fantaisie) (Giuseppe Verdi, 1853)

Cavalleria Rusticana (entracte) (Pietro Mascagni, 1889)

Un Pas Redoublé (est-ce celui de Saint-Saëns, 1877?)

Pavane Louis XIII (Anonyme)

Air de Paesilo (?)

Sentier fleuri (Antony Choudens, 1876)

Valse (Émile Waldteufel, il a écrit de nombreuses valses, après 1866)

Babillage (Ernest Gillet, 1886)

Loin du bal (Ernest Gillet, 1886)

Une marche anglaise (anonyme)

La Sérénade de Severo Torelli (paroles de François Coppée, musique de Schatté, 1883)

Simple aveu (Francis Thomé, 1877?)

Le répertoire de Pieffort!

Pieffort a également écrit au moins deux "Saluts" à forte connotation religieuse, l'un en 1902 à Dunkerque, et l'autre en 1906, toujours à Dunkerque. Il semble qu'il improvisait un accompagnement mélodique à l'épinette tout en récitant ou chantant ses textes.

Salut, dédié à la Bonne sœur Agnès et aux marins dunkerquois. Publié en 1906. Conservé à la Bibliothèque nationale de France.

Nouvelles religieuses, l'épinette Pieffort.

Ainsi que nous l'avions prédit, M. Pieffort a obtenu un grand succès hier à l'église St-Eloi à la messe de 11 h et au salut de 5 h.
Pendant ce dernier office, M. Pieffort a joué sur son épinette un remarquable "Salut" de sa composition.
C'était un "Salut invocation" à Dieu le Tout Puissant, Roi des Rois, Maître de la terre et du monde demandant sa protection pour les petits, les faibles, les malheureux et se terminant par une bénédiction des humains au Créateur. Cette exécution a été merveilleusement soutenue par les orgues que tenait M. BOLLAERT. Ajoutons que M. Pieffort a dédié à Mme BOLLAERT fils sa remarquable improvisation.

Le Nord maritime, Dunkerque, 2 décembre 1902.

Un concurrent au luthier Pieffort, dès 1903 : "Tout le monde sera Artiste en moins de dix minutes" annonce publiée dans l'Annuaire des Artistes de l'Enseignement Dramatique et Musical et des Sociétés Orphéoniques de France et de l'Étranger 1903 et 1905.

La concurrence sur Paris commence!

L'apparition au début du XXème siècle d'épinettes vendues par magasins d'instruments de musique, comme la maison Coupleux à Tourcoing ou même Paul Beuscher à Paris, souvent accompagnées d'une méthode chiffrée pour apprendre à en jouer facilement, n'a certainement pas arrangé les affaires déjà peu brillantes de Pieffort à cette époque. En plus, de 1903 à 1905 au moins, un concurrent direct apparaît à Paris : A. Fontaine, fabricant d'épinettes au 33, rue Château-Landon.

Article paru dans Gil Blas, le samedi 3 février 1912.

Lettre de Paul Pieffort parue dans le Gil Blas du mardi 6 février 1912, en réponse à l'article paru dans ce même journal le samedi 3 février de la même année.

Le début de la fin...

Article paru dans Gil Blas, le mardi 31 décembre 1912.

Carte postale d'une affiche de Jean Veber pour l'hôtel Barbizon que Pieffort utilisait comme carte de visite en 1912. Il s'agit certainement de "l'affiche en réduction" mentionnée dans l'article du Gil Blas du 31 décembre 1912 (merci à Christian Declerck qui m'a communiqué ce document).

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Traduction du texte en français de l'article paru à la page 10 du numéro de l'hebdomadaire américain Musical Courier du 13 août 1913 (vol. 67, numéro 7):

Il est intéressant de découvrir qu'un instrument qui a longtemps été considéré comme obsolète est toujours fabriqué et en usage; c'est l'exprérience que j'ai faite la semaine dernière quand Paul Pieffort m'a montré une des "épinettes" qu'il fabrique et sur lesquelles il joue de façon experte. Signalons qu'il est Écossais de naissance, bien qu'il soit résident à Paris depuis longtemps, et son nom se prononce simplement Pie-fort, à la bonne mode Yankee. L'épinette est un instrument dont la tradition nous dit qu'il a été inventé il y a plusieurs siècles par une sorcière qui n'avait qu'un seul nom, Dorothée, et qui vivait au Val d'Ajol, près de Plombières. Il y a plusieurs exemples de cet instrument ancien au musée du conservatoire  ainsi que les modèles plus modernes que Pieffort a fabriqués et déposés au musée. L'illustration montre mieux qu'aucune description la nature de l'insttrument. Pour en jouer, on le pose sur une table en bois ou une boîte, qui agit comme un résonateur. Les cordes sont faites de fil de fer and sont joués avec un plectre en acier, le ton qui en résulte, comme on peut s'y attendre, ressemble à celui d'une mandoline., bien qu'en un peu plus fin et doux, en raison, je suppose de l'absence de la caisse de résonnance profonde et ronde de cet instrument. Les améliorations de Monsieur Pieffort consiste dans la découverte de la meilleure combinaison d'essences de bois pour l'instrumentet dans l'amélioration du cordage rudimentaire du viel instrument. L'instrument moderne a six cordes. Les deux cordes mélodiques sont tendues au dessus d'une série de frettes et sont accordées à l'unisson, comme sur la mandoline. Trois des cordes restantes sont accordées selon l'accord normal de la tonalité de LA dans lequel l'instrument est accordé, et la quatrième, si j'ai bien compris, est utilisée pour obtenir les demi-tons, mais comme elle était manquante sur l'exemplaire que j'ai vu, je ne peux pas vraiment dire de quelle façon. Monsieur Pieffort a exposé ses instruments à l'Exposition Universelle de 1900 et a reçu une médaille de bronze. Plusieurs exemplaires ont été achetés par Monsieur Waldeck-Rousseau, qui était alors Premier Misnistre de la République, and parmi les élèves de Monsieur Pieffort, - il est bien sûr l'unique professeur de l'instrument - on compte Sarah Bernhardt et Monsieur Willette, le célèbre peintre.

Article paru dans l'hebdomadaire américain Musical Courier, Vol. 67, Numéro 7, 13 août 1913, page 10. Voir ici.